Covid-19 - Évolution des connaissances, conduites à tenir, le point avec Yazdan Yazdanpanah
Publié le 22 décembre 2021.
Lors de la séance inaugurale de son 47e Congrès consacrée à la Covid-19, l’ADF a donné la parole à trois intervenants reconnus aux profils variés : un philosophe engagé, Gaspard Koenig, un entrepreneur de notre temps, Stanislas Niox-Château, et enfin un expert médical, le professeur Yazdan Yazdanpanah, directeur des maladies infectieuses émergentes de l'Agence nationale de recherches sur le Sida et les hépatites virales (ANRS) et membre du Conseil scientifique auprès du Président de la République. Au cœur des décisions sanitaires concernant la COVID-19, ce dernier nous a livré des explications sur l’évolution des connaissances sur ce virus et les conduites à tenir dans le futur face à l’émergence de nouveaux variants.
Le professeur Yazdan Yazdanpanah lors de la séance inaugurale du Congrès de l'ADF 2021B [photo ADF/Faust Favart]
Une évolution progressive de la connaissance
"Au début cette pandémie, on a pensé que le virus de la COVID-19 fonctionnait comme celui du SARS, même famille des coronavirus, on a donc agi par mimétisme. Mais petit à petit nous avons vu que ce n’était pas du tout ce que l’on pensait" explique le Pr Yazdanpanah. L’OMS n’a reconnu qu’en avril 2020 qu’au bout de 2, 3 jours après leur infection, les patients devenaient contagieux tout en étant asymptomatiques, ce qui était un changement important dans l’approche de ce virus et des mesures de protection à préconiser. Quand la maladie se déclare et les symptômes apparaissent, la charge virale se met à diminuer. Après 7 jours de symptomatologie, la transmission est alors faible. "C’est seulement à partir de ce moment-là que l’on s’est dit : si les gens asymptomatiques transmettent la maladie, il faut mettre tout le monde sous masque". Les mêmes questions se sont posées sur le mode de transmission : aérosol ou gouttelettes.
Au début cette pandémie, on a pensé que le virus de la COVID-19 fonctionnait comme celui du SARS, même famille des coronavirus, on a donc agi par mimétisme. Mais petit à petit nous avons vu que ce n’était pas du tout ce que l’on pensait
Au début de l’épidémie, les hygiénistes hospitaliers pensaient que la principale transmission était manuportée. On a donc recommandé, en premier lieu, le lavage des mains et la désinfection des surfaces. Des études ont en effet montré que le virus peut résister plusieurs heures voire plusieurs jours sur les surfaces (d’autant plus si elles sont dures, lisses et humides, par exemple sur la poignée d’une porte ou l’écran d’un smartphone.). Il est possible que ce mode de transmission existe et il faut continuer à se laver les mains, mais cette voie n’est probablement pas essentielle.
La voie directe peut être en cause lorsque deux personnes se parlent, puisqu’on peut émettre des postillons de plus de 100 µm, mais aussi lorsqu’on tousse ou éternue ; pour être infecté dans ce cas, on doit se trouver strictement en face de la personne qui émet les postillons, car les cibles (bouche, narines…) sont étroites. Ce mode de transmission existe et justifie de rester à la distance de 1 m 50, mais il est de moins en moins en cause aujourd’hui, à part dans le cercle familial (contacts très rapprochés).
Toutefois, cette voie ne peut pas rendre compte des clusters et des chaînes de superpropagation (qui contribuent de façon majeure à l’épidémie) avec des exemples de transmission à plusieurs mètres de distance qui ne sont pas compatibles avec la propagation virale via les grosses gouttelettes, mais sont en faveur d’une transmission aéroportée.
On parle d’aérosols mais en vérité ce n’est pas le virus qui s’aérosolise… et c’est une bonne nouvelle car aucun masque ne serait capable de filtrer les nanoparticules ! En réalité, le SARS-CoV-2 se trouve à l’intérieur des petites gouttelettes qu’on émet quand on respire. L’émission d’aérosols augmente quand on parle (10 fois plus que lorsqu’on respire et 50 fois plus lorsqu’on chante ou crie. Pour être infecté, il faut une charge virale et un temps d’exposition suffisants. Si vous traversez un nuage d’aérosol (sur un quai de métro par exemple) vous n’avez aucune chance de vous contaminer, il faut être en contact pendant plusieurs minutes.
Ces aérosols sont redoutables car ils peuvent rester infectants pendant plusieurs heures si la pièce est mal ventilée, avec un véritable risque de contamination pour les personnes qui sont dans le même espace.
L’émergence de variants
Plusieurs variants ont fait tour à tour leur apparition. Le virus Alpha est apparu en décembre 2019-début janvier 2020 et c’est sur cette souche qu’on a élaboré les vaccins qui fonctionnent très bien dessus. Puis sont arrivés les variants Beta et Gamma, heureusement peu transmissibles car le vaccin ne fonctionnait pas bien sur eux. "Ils ont été vite éradiqués car peu transmissibles et heureusement " rappelle le professeur Yazdanpanah. Maintenant, nous assistons à la vague du variant Delta. Ce dernier est plus transmissible et plus grave. Le risque à l’heure actuelle serait que le vaccin ne fonctionne pas sur de nouveaux variants émergents à fort taux de transmissibilité, mais "ce qui est rassurant c’est que les vaccins à ARN peuvent être facilement adaptés au virus, et cela rapidement, mais il faudrait alors tout recommencer" en termes de campagne vaccinale souligne notre expert.
L’importance de la dose de rappel
Pour le professeur Yazdanpanah, il est nécessaire de maintenir les gestes barrières et d’effectuer la troisième dose car "toutes les modélisations le montrent", c'est actuellement ce qu'il y a de plus efficace. Les gens qui ont reçu trois injections sont beaucoup moins hospitalisés que les autres. De plus, la probabilité de faire une infection est de 50% moins par rapport à ceux qui n’en n’ont reçu que deux.
Deux traitements à venir
Aujourd’hui, au-delà des vaccins, les espoirs se portent sur les traitements pour éviter des formes graves. À ce jour, les anticorps monoclonaux sont les seuls efficaces. Le problème est leur complexité d’utilisation dans le circuit de soin : le patient doit les recevoir en intraveineuse durant une heure. Deux traitements per os vont arriver des laboratoires Merck et Pfizer. "Ces médicaments nous permettraient d’aller vers une stratégie de : tester et traiter" affirme le Pr Yazdanpanah. Le Royaume-Uni a rendu un avis sur le monulpiravir mais l’Agence européenne des médicaments (EMA) et l’ANRS ne se sont pas encore prononcés.
Voir ou revoir la séance inaugurale
Pour voir ou revoir l’intégralité de l’intervention du Pr Yazdanpanah lors cette séance ainsi que celles de Gaspard Koenig, de Stanislas Niox-Château et des Drs Trouillet et Laupie, regardez le replay.