Halte aux mauvaises prescriptions
Ces prescriptions inadaptées semblent découler d’une attitude réflexe, d’une mauvaise habitude qui se serait installée progressivement, d’un mécanisme de protection pour éviter de gérer d’éventuelles complications (la fameuse prescription “au cas où”). Autant de situations où l’on s’écarte des recommandations de bonnes pratiques et des bonnes règles de prescription.
Un traitement local à prioriser
La première d’entre elle, c’est déjà de rappeler que, si aucun signe d’altération générale n’est observé, il est inutile de prescrire des antibiotiques. La plupart des infections peuvent se soigner par traitement local. Il faut privilégier une action non médicamenteuse, par exemple effectuer un drainage par incision de l’abcès ou un parage canalaire. Concernant les prescriptions antibiotiques à visée prophylactique, celles-ci doivent être justifiées et se limiter aux strictes indications définies dans les dernières recommandations de l’ANSM.
Endo, implanto, paro, les erreurs courantes
Certains antibiotiques sont utilisés comme des antalgiques à tort. Par exemple en cas de pulpite irréversible, la pénicilline doit être proscrite. La pulpe, dans ce cas, n’est pas contaminée, et l’antibiothérapie n’a aucun effet antalgique. La prescrire participe au phénomène d’antibiorésistance. Selon l’étude de D.Nagle1, il est démontré que l’administration de pénicilline ne réduit pas de manière significative la douleur. L’amoxicilline n’est pas non plus indiquée en cas de douleur post-opératoire en endodontie.
Ces recommandations ont été établies sur la base de résultats de nombreuses études scientifiques. Pourtant, de nombreux praticiens ont encore recours à une prescription systématique d’antibioprophylaxie lors de ces interventions.
Le seul fait d’effectuer un dégagement osseux (avulsion avec alvéolectomie, élongation coronaire), une avulsion avec séparation de racine, ou la pose d’un implant ne justifie pas la mise en place d’une antibioprophylaxie ni d’une antibiothérapie de couverture.
Ces prescriptions injustifiées constituent un danger de sélection de souches bactériennes antibiorésistantes, et mettent en danger notre arsenal thérapeutique. Il convient pour chaque praticien de prendre conscience de l’action individuelle que chacun doit mener dans cette lutte, et de mettre un terme à ces prescriptions de complaisance.
En parodontologie, le recours à des antibiotiques pour la population générale doit rester rare. Ainsi en présence d’une parodontite modérée la prescription d’antibiotiques n’est pas recommandée, le rapport bénéfice/risque n’étant pas favorable face au risque d’émergence de souches antibiorésistantes. Cependant, en cas de parodontite réfractaire au traitement, de parodontite agressive ou de gingivite ulcéro-nécrotique avec altération de l’état général, la prescription d’antibiotiques en complément du traitement mécanique peut être indiquée.
Choisir la bonne molécule
Lors d’une prescription, pensez à prescrire d’abord les antibiotiques dits de première intention, c’est-à-dire le plus souvent l’amoxicilline en odontologie (sauf évidemment en cas d’allergie). L’utilisation trop régulière du métronidazole par certains praticiens a été constatée sans que celle-ci ne soit justifiée par les recommandations en vigueur. De même concernant la prescription de l’association de deux molécules d’antibiotiques. En effet, l’association de deux molécules est réservée à l’antibiothérapie de seconde intention, en l’absence d’évolution favorable après 48-72h de traitement. De plus, l’Institut de veille sanitaire et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ont reconnu que l’association amoxicilline-acide clavulanique (Augmentin®) étaient génératrice de résistance. Son usage en première intention ne doit être prescrit que dans le cas de sinusite maxillaire aiguë d’origine dentaire.
Gare aux effets indésirables
L’utilisation d’antibiotiques n’est pas un geste anodin. Selon une étude IPSOS réalisée en 2015, 27% des patients sous traitement antibiotique lors des 6 derniers mois ont eu des effets indésirables ou développé des allergies. Il faut donc penser à alerter vos patients, et leur expliquer l’importance de ne pas arrêter un traitement en cours. Or l’étude constate que 18% des patients déclarent avoir modifié ou arrêté leur traitement antibiotique à la suite d’effets indésirables.
Posez-vous les bonnes questions
Pour prendre conscience du rôle de chaque professionnel de santé dans la lutte contre l’antibiorésistance, l’OMS a établi cinq questions qui permettent à chacun d’analyser son comportement et sa pratique :
- Appliquez-vous toujours les protocoles de prévention et de lutte des risques infectieux dans votre cabinet ?
- Ne prescrivez-vous des antibiotiques que lorsqu’ils sont nécessaires, conformément aux directives en vigueur ?
- Parlez-vous aux patients de la façon correcte de les prendre, des résistances et des dangers d’un usage abusif ?
- Demandez-vous à votre patient s’il prend actuellement ou s’il a pris des antibiotiques récemment ?
- Et enfin parlez-vous aux patients de la prévention des infections, et notamment l’hygiène bucco-dentaire ?
L’ADFDPC-Formation vous accompagne pour agir face
à l’antibiorésistance
À l’issue de la formation DPC en ligne “savoir prescrire pour limiter l’antibiorésistance”, le chirurgien-dentiste participant sera en mesure :
- d’améliorer la pertinence de ses prescriptions antibiotiques et ainsi réduire les prescriptions inutiles ou inappropriées ;
- de mieux prévenir les infections, en particulier les plus graves ;
- d’anticiper les risques associés à la résistance des bactéries aux antibiotiques et d’appliquer les moyens de prévention appropriés.
Inscription sur formationdpc.adf.asso.fr
1. Nagle D, Reader A, Beck M, Weaver J. Effect of systemic penicillin on pain in untreated irreversible pulpitis. PubMed.gov, Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod.2000 Nov ; 90(5) :636-40.