Assistantes dentaires :
un rôle
de plus en plus
stratégique
Assistante dentaire depuis 20 ans, formatrice et chargée de mission à l’UFSBD1, Marilyn Michel se félicite que le débat sur l’assistante dentaire de niveau 2 avance et permette aux différentes parties prenantes de s’exprimer. Face aux évolutions de l’offre de soins mais aussi aux enjeux de prévention, les assistantes dentaires ont un rôle clé à jouer.
SELON VOUS, L’ÉVOLUTION DU MÉTIER D’ASSISTANTE DENTAIRE EST-ELLE INCONTOURNABLE FACE AU CONTEXTE QUE CONNAISSENT LES CABINETS DENTAIRES ACTUELLEMENT (CONCURRENCE, PLACE DE LA PRÉVENTION…) MAIS AUSSI FACE À L’ENVIRONNEMENT PROFESSIONNEL DANS LES PAYS VOISINS ?
Marilyn Michel : Ce qui me frappe quand j’échange avec la nouvelle génération de chirurgiens-dentistes, c’est le changement dans leur rapport au travail. Bien sûr, la tendance est sociétale et dépasse notre profession mais on constate que le sens qu’ils mettent dans leur pratique, tout comme leur rapport aux patients, a évolué. Leur art dentaire est différent et surtout ils n’envisagent pas de travailler seuls. Nous sommes face à un changement de paradigme. C’est pourquoi notre métier d’assistante dentaire n’a jamais été aussi important. La pandémie est passée par là aussi et a bousculé les repères.
Concernant le contexte européen, notre modèle social concernant l’accès aux soins nous singularise. La comparaison n’est pas si simple avec nos voisins. En Angleterre, par exemple, il est interdit de travailler sans assistante dentaire au fauteuil. Oui mais attention, les soins dentaires ne sont pas facturés au même tarif qu’en France ! Comparons ce qui est comparable ! En revanche, il est vraiment temps de travailler sur l’évolution du métier afin que la mobilité des assistantes dentaires en Europe soit facilitée. L’harmonisation est un vrai sujet. Mais si on veut vraiment regarder par-delà nos frontières, pourquoi ne pas s’inspirer de ce que font les autres en matière de formation, sans nous abstenir d’impulser de nouvelles idées, afin que tout le monde ait le même champ de compétences ? La clé de tout dans l’évolution de notre métier, c’est vraiment la formation.
AVEC LA CRÉATION DE CE TITRE D’ASSISTANTE DENTAIRE DE NIVEAU 2, QUELS SERONT LES BÉNÉFICES POUR LA PROFESSION ET POUR LES PATIENTS ?
MM : L’assistante dentaire de niveau 2, ou plutôt l’Assistante en Médecine Bucco-Dentaire (AMBD) puisque c’est le nom pressenti, est LE métier nécessaire aujourd’hui pour parler de prévention. Tout comme les assistantes dentaires car toutes les structures ne pourront pas embaucher des AMBD. Aujourd’hui, les assistantes dentaires font souvent de la prévention avec les moyens du bord parce qu’elles ont peu de temps et qu’elles sont mobilisées par d’autres tâches. C’est donc devenu une urgence.
Même si les patients sont régulièrement abreuvés de messages de prévention, il faut du temps pour les accompagner, les aider à comprendre les enjeux. S’il n’y a pas ces métiers, la communication est souvent défaillante par manque de temps. Cette prévention est d’autant plus importante qu’elle doit s’envisager au sens large, en allant jusqu’à des sujets comme les cancers de la sphère oro-faciale ou encore les IST (infections sexuellement transmissibles).
QUELLE ARTICULATION IMAGINEZ-VOUS ENTRE ASSISTANTE DENTAIRE ET ASSISTANTE DENTAIRE DE NIVEAU 2 EN CABINET ?
MM : AMBD ce n’est pas le même métier qu’assistante dentaire. La médecine bucco-dentaire dépasse le cadre de la dent et son support. Il s’agit de travailler aussi sur la langue, les muqueuses, les voies respiratoires peut-être, la digestion, le sommeil… Le métier d’AMBD s’articulera autour du travail en inter-disciplines. Cela se fait déjà en clinique où, pour ma part, j’ai déjà eu l’occasion de collaborer étroitement avec des infirmières, aides-soignantes ou anesthésistes. Le patient restera quoi qu’il en soit le patient du chirurgiendentiste. Il y aura une délégation à l’AMBD pour certains types de soins, notamment en prophylaxie. Et tout comme le chirurgien-dentiste, l’AMBD aura parfois besoin de travailler aussi avec l’assistante dentaire pour de l’aide au fauteuil. L’organisation prendra la forme d’une pyramide avec le chirurgien-dentiste au sommet, puis l’AMBD avec ses fonctions en délégation et enfin l’assistante dentaire qui travaillera avec l’un et l’autre.
Devenir AMBD demandera beaucoup de travail aux assistantes dentaires qui souhaitent monter en compétence. C’est important de le souligner. De nombreuses connaissances devront être acquises et maîtrisées. Il faudra aussi apprendre à déléguer et ce n’est pas toujours simple à appréhender !
LES DIFFÉRENTES PERSONNES QUE VOUS ACCOMPAGNEZ EN FORMATION TÉMOIGNENT-ELLES DE L’APPÉTENCE (VOIRE DE L’IMPATIENCE) À VOIR CETTE ÉVOLUTION SE METTRE EN OEUVRE ?
MM : Les personnes que je rencontre dans ce cadre ont déjà engagé une démarche de formation. Elles ont donc une attitude volontariste. Pour l’impatience, je dirais à la fois oui et non ! J’ai le sentiment qu’elles ont beaucoup attendu cette évolution évoquée depuis des années et qu’elles sont un peu blasées. Toutefois, le sujet revient souvent dans nos échanges. Elles me demandent si j’ai de nouvelles informations.
Ma priorité c’est de leur enseigner avant tout l’amour du métier et le sens de notre travail. Leur faire comprendre aussi qu’elles devront se former tout au long de leur vie. J’essaye de leur expliquer aussi qu’un métier comme celui-ci ne se crée pas du jour au lendemain et qu’elles ne deviendront pas AMBD en quelques jours non plus ! Ceux qui sont impatients de voir cette évolution arriver, c’est la nouvelle génération de chirurgiens-dentistes ! Ils ne veulent pas s’engager dans un métier où ils ont envie de faire plus de prévention sans avoir de l’aide à leurs côtés. Car avec l’AMBD, c’est un métier de “préventeur” qu’on va créer aujourd’hui.
LES RÉCENTES AVANCÉES POUR CE NOUVEAU STATUT (CONSENSUS CPNE-FP2) VOUS RENDENT-ELLES CONFIANTE POUR LA SUITE ?
MM : Je suis plutôt optimiste mais il reste du travail sur le terrain pour mettre en place ce métier de façon constructive et éviter à tout prix de créer une fonction dont personne ne veut ! Par exemple, le métier d’assistant médical a été pensé pour aider les médecins et pourtant, cela ne prend pas. Pour l’AMBD, de la concertation avec les syndicats représentatifs (salariés et employeurs) sera encore nécessaire pour mettre en œuvre tout cela dans de bonnes conditions.
Les assistantes dentaires, qui souhaitent évoluer vers le métier d’AMBD et qui en ont les capacités, doivent pouvoir le faire. C’est nécessaire au risque de les voir quitter la profession si elles ne peuvent pas envisager d’évolution. Nous devons aussi rester mobilisés sur les futures assistantes dentaires, celles qui veulent rentrer dans ce métier, car nous en manquons vraiment. Il faut leur donner l’envie d’intégrer notre profession et cela se fera aussi en leur proposant de nouvelles perspectives d’avenir.
1 Union française pour la santé bucco-dentaire
2 Commission paritaire pour l’emploi et la formation professionnelle