Aux origines de la chirurgie dentaire
Au fil des siècles, la dentisterie est passée d'une pratique rudimentaire à une discipline médicale sophistiquée, offrant un large éventail de soins et de traitements pour la santé bucco-dentaire. Explorons l'évolution de cet art devenu la médecine bucco-dentaire.
25 siècles d'histoire depuis l'Antiquité
Les premiers constats d’avulsions dentaires remontent à la préhistoire, chez l’homme de Néandertal, mais les premières preuves de soins dentaires appartiennent à l'Égypte ancienne, environ 3000 av. J.-C., et à la Mésopotamie. Les Égyptiens avaient des connaissances sur la chirurgie de la dent et le remplacement par des prothèses en ivoire. Un bon début !
À la période de la Grèce antique, des textes grecs anciens font référence à l'extraction de dents et aux traitements dentaires. Cependant, la plupart des soins dentaires étaient rudimentaires. Les Romains ont également contribué à cette discipline en développant des instruments tels que les daviers pour certains actes. Pendant toute la période du Moyen-âge, les responsables des extractions dentaires étaient les barbiers, en plus de leur fonction de couper les cheveux. Leurs connaissances en matière de soins dentaires étaient limitées voire en contradiction avec "l’art" exercé depuis l’Antiquité.
Au cours de la Renaissance, l'intérêt pour les sciences médicales s’est accru. Des progrès sont réalisés dans la compréhension de l'anatomie buccale. Ambroise Paré, barbier au début de sa carrière, devient un éminent chirurgien du 16e siècle en France, marquant de fait l’histoire de la chirurgie dentaire par l’élaboration de prothèses dentaires plus sophistiquées pour réparer, remplacer les dents et les bases osseuses endommagées. La place de la chirurgie dentaire naîtra réellement en 1699 par voie royale. À cette époque, Louis XIV souffre de divers maux. Il est soigné par son chirurgien, le Dr Félix, lequel profite de cette notoriété pour réclamer la reconnaissance de l’expertise dentaire dans "la pratique savante de l’art de guérir". L’édit de 1699 est promulgué. Il stipule l’exigence de connaissances, la reconnaissance de la capacité et des règles à suivre pour la pratique de "chirurgies spéciales" dont la chirurgie dentaire.
Naissance de l'odontologie moderne
Au 18e siècle, le dentiste français Pierre Fauchard (le titre de chirurgien-dentiste n’existe pas encore), considéré comme le père de la dentisterie moderne, a rédigé le premier traité dentaire. Intitulé "Le Chirurgien-Dentiste, ou Traité des dents", cet ouvrage a posé les bases de nombreuses pratiques modernes. Il y définit le terme de "chirurgien-dentiste" et compile les nouvelles méthodes de la chirurgie de la bouche reposant sur une connaissance fine de l’anatomie, l’observation clinique et le raisonnement scientifique. Il décrit les maladies des dents et des gencives, porte une grande attention à la douleur, améliore les instruments et leur usage pour diminuer cette douleur, et invente l’orthodontie. Pierre Fauchard montre bien qu’il appartient à chaque praticien d’avoir un éclairage éthique sur son exercice, que le pilier central est le consentement du malade et la décision médicale appropriée. Grâce à ses travaux et à ses émules, la dentisterie connait un essor fulgurant. La marche vers le progrès est lancée, l’odontologie moderne est née.
Évolution des techniques
et création du diplôme
sont des avancées majeures
Au 19e siècle, le premier fauteuil dentaire aménagé et l'utilisation de l'anesthésie dentaire marquent les avancées de la dentisterie. Rappelons que le dentiste américain William Thomas Green Morton peut ainsi, pour la première fois le 16 octobre 1846, libérer sans douleur un patient de sa souffrance par l’utilisation de l’anesthésie à l’éther et au chloroforme. La création du diplôme de chirurgien-dentiste en 1892 formalise la formation spécialisée selon des normes et de manière uniforme. Cette qualification des praticiens signe la reconnaissance de la dentisterie en tant que profession distincte et spécialisée. Le statut de praticien dentaire est désormais sur un pied d'égalité avec les autres professions médicales.
Les techniques plus avancées telles que la radiographie dentaire, les obturations en amalgame et la découverte des propriétés des fluorures dans la prévention des caries sont introduites au 20e siècle. Ces progrès technologiques ont conduit à des méthodes de diagnostic plus précises et des traitements plus adéquats.
"L'art dentaire" cède la place
à la "médecine bucco-dentaire"
Sous l'impulsion de l'ADF, le 15 décembre 2009, la terminologie internationale d’art dentaire pour désigner l’activité du chirurgien-dentiste, est remplacée par médecine bucco-dentaire. Désigné comme désuet et inapproprié, le terme "art dentaire" disparait progressivement donc des textes législatifs et règlementaires. La norme ISO 1942 est révisée, abrogeant l’idée d’art de la dentisterie au profit d’une science médicale. Même si la terminologie court toujours tant que le code de la santé n'aura pas été modifié.
Vers une autre dentisterie
La dentisterie moderne continue d'évoluer avec l'avènement de technologies numériques telles que la dentisterie assistée par ordinateur (CFAO) pour la fabrication de prothèses et la conception assistée par ordinateur (CAO) pour la planification des traitements. La formation est désormais épaulée par des simulateurs numériques pour entrainer ses connaissances théoriques et pratiques sur des appareils dits haptiques (qui offrent la sensation du toucher). Les avancées telles que les techniques des traitements canalaires, des soins conservateurs (technique de collage) et des implants dentaires ont également eu pour effet de révolutionner la pratique des praticiens. Mais la demande de soins plus esthétiques est devenue aussi une réalité conduisant à un changement de comportement des patients.
Un musée pour commémorer l'Histoire
Avec le soutien logistique de l’ADF, le Musée virtuel de l’art dentaire est créé en 2013 dans le but de sauvegarder un accès visuel au patrimoine de l’art dentaire et faire revivre l’histoire de la chirurgie dentaire. La traversée de ces siècles d’histoire permet de mesurer l’important écart de temps entre la pratique rudimentaire et barbare au Moyen-âge et la dentisterie d’aujourd’hui. Le musée a pour vocation d’exposer les instruments et objets d’époque, de présenter leur histoire ainsi que celle des hommes ingénieux et audacieux qui ont inventé et amélioré ces instruments pour soulager les douleurs dentaires. Le musée virtuel ne permet pas d’examiner de véritable objet dans une vitrine, mais au contraire d’être accessible dans le monde entier.
Visitez le musée.