Il serait temps !
En 2012, l'ADF publiait son premier guide dédié au développement durable pour les cabinets dentaires. Cette volonté dont nous nous étions autosaisis n'a reçu ni appui ni relais. Pendant toutes ces années, ni le ministre de la Santé ni celui de l'Écologie n'ont jamais voulu signer de convention pour aller plus loin.
Bien sûr, nous entendions les discours sur l'importance de "décarboner la santé" mais si les paroles étaient belles, les actes manquaient.
Aujourd'hui, enfin, la volonté et l'action semblent se rejoindre mais sachons regarder les choses en face. La décarbonation de la santé, et particulièrement celle de nos cabinets dentaires, n'est pas que l'affaire du chirurgien-dentiste. Loin s'en faut !
Commençons par ce qui nous incombe : l'écoconception de nos cabinets. J'ai retrouvé une étude menée en 2013 par l'ADF. 92,2% d'entre nous pensions déjà pouvoir être des acteurs économiques responsables. Dix ans après, je crois que nous flirterions avec les 100%. Nous avons tous cette conscience et cette responsabilité. Nos cabinets ont évolué, nos pratiques ont été optimisées. Lorsque j'entends qu'il faut "verdir le numérique en santé", je réponds "chiche !" Donnez-nous des solutions, notre profession les adoptera.
Nous n'avons pas attendu pour intégrer le numérique à nos pratiques. S'il devient plus neutre dans ses impacts, nous ne resterons pas neutres pour l'adopter !
Cette mise au point étant faite, je souhaite évoquer les trois chantiers qui nous semblent urgents d'engager avec nos autorités, nos partenaires publics et industriels.
La première activité consommatrice d'énergie et productrice de CO2 est liée aux déplacements de nos patients. C'est une question d'urbanisme, d'aménagements, de transports en commun, de proximité aussi dans des régions où certains patients effectuent des dizaines de kilomètres pour venir se faire soigner.
La deuxième voie d'amélioration est règlementaire. L'organisation de notre asepsie et la gestion de nos DASRI ne sont-elles pas excessives ? Leurs complexités multiplient les déchets et leurs traitements avec des effets évidents sur l'impact environnemental de nos activités. Le principe de précaution prévaut et nul ne souhaite le remettre en cause. Cependant, ne peut-on pas le reconsidérer dans ses applications ? La règlementation actuelle fixe des consignes très strictes quant à l'emballage, l'entreposage, le transport et le suivi des déchets infectieux. Toutes ces modalités peuvent être repensées avec le concours de toutes et tous.
Avec autant d'intelligences, nous devrions pouvoir aboutir à une gestion des DASRI plus vertueuse... et plus verte, non ?
Le troisième chantier implique notre profession et nos partenaires industriels. Nos cabinets sont-ils certains d'agir avec discernement dans la gestion de leurs commandes ? Savons-nous les optimiser ? Questionnons-nous avec nos équipes et agissons ! Ensuite, nos partenaires industriels ne peuvent-ils revoir le conditionnement de leurs produits ? Combien d'emballages, de cartons, de plastiques pouvons-nous économiser ? Les échanges que je peux avoir avec d'autres confrères me laissent penser qu'une voie de progrès importante est envisageable. À ce titre, nous accueillons avec bienveillance et satisfaction l'initiative du Comident qui vient de créer une commission Développement Durable avec à sa tête, Laurent Chometon, directeur général de GACD. Laurent a été l'un des tout premiers industriels à s'intéresser au bilan carbone de ses activités. Sa volonté d'action est sincère et c'est d'ailleurs dans cet esprit partagé que nous avons créé l'an passé avec le Comident, un Prix de l'Innovation dédié au Développement Durable. Un nouveau lauréat sera honoré au prochain Congrès de l'ADF. C'est le moment de faire valoir vos initiatives !
Enfin je veux me réjouir de la volonté annoncée de notre tutelle tout en restant vigilant.
Le 22 mai dernier, le ministère a lancé un comité de pilotage pour élaborer une feuille de route dédiée à "la planification écologique du système de santé" autour de 7 axes. Cinq experts sont chargés de suivre les travaux de ce comité de pilotage. Parmi eux, Alice Baras qui connaît bien notre métier - elle a exercé pendant 15 ans comme chirugien-dentiste - et qui saura faire valoir la réalité de nos activités libérales. Elle a notamment écrit le dossier de l'ADF consacré à la démarche écoresponsable du cabinet dentaire. Son expertise sera la bienvenue.
Toutefois, ce qui m'inquiète, c'est le flou régnant autour de cette intention ministérielle. Certains chantiers manquent de délais clairs. Certains projets manquent d'étapes jalonnées. Certaines modalités relatives notamment à l'implication de notre profession ne sont pas encore évoquées.