Rencontre avec le Dr Julien Delhom, 1er prix de thèse ADF Dentsply Sirona 2024 Rencontre avec le Dr Julien Delhom, 1er prix de thèse ADF Dentsply Sirona 2024

Rencontre avec le Dr Julien Delhom, 1er prix de thèse ADF Dentsply Sirona 2024

Publié le 20 décembre 2024.

Le Prix de thèse ADF Dentsply Sirona 2024, catégorie Recherche, récompense les travaux du Dr Julien Delhom, de l’UFR d’Odontologie de Toulouse, portant sur la greffe de cellules mésenchymateuses adultes, une thérapie innovante dans le traitement de la parodontite. Cette étude ouvre des perspectives prometteuses pour le traitement des maladies des tissus de soutien des dents chez l’Homme.

Pourquoi avoir opté pour ce sujet de thèse en particulier ?

Lors de ma 4ᵉ année d’études à la faculté de Toulouse, le professeur Philippe Kémoun m’a proposé de participer à une étude qui allait devenir le sujet de ma thèse : « L’ingénierie cellulaire du parodonte par greffe autologue de cellules mésenchymateuses du tissu adipeux : preuve de concept sur un modèle préclinique de parodontite canine spontanée ». La recherche biologique en parodontologie me passionne, car elle demeure un domaine en perpétuelle évolution. La parodontite, une pathologie liée à l’âge en forte prévalence qui peut se traduire par des douleurs et des inflammations gingivales, et in fine, par la perte des dents, reste une maladie à la physiopathologie encore mal comprise et qui souffre encore de dogmes peu rationnels et autres idées reçues. Les thérapeutiques parodontales actuelles sont d’ailleurs encore largement perfectibles.

L’ingénierie tissulaire apparaît aujourd’hui comme un axe de recherche parmi les plus prometteurs pour traiter la parodontite. Cette étude était particulièrement innovante puisqu’elle ouvrait la voie à l’utilisation du modèle de la parodontite canine spontanée pour des essais d’ingénierie cellulaire, une première. La physiopathologie de la parodontite du chien âgé est très similaire à celle de l’humain. Cela en fait un modèle préclinique très pertinent pour le développement de thérapies innovantes. Ces similitudes augmentent non seulement l’intérêt scientifique du projet, mais aussi son potentiel d’application clinique à long terme. Enfin, j’ai écrit ma thèse de façon didactique pour que tous les praticiens qui s’intéressent au sujet puissent la comprendre, et avoir une vision globale du sujet ; c’est aussi ce qui a plu au jury lors de ma soutenance.

Quelle a été votre rôle dans cette étude ?

Avant mon intégration à ce projet, des études préliminaires avaient déjà été réalisées sur les cellules mésenchymateuses du tissu adipeux en hydrogel de fibrine, in vitro et sur des modèles murins, mais jamais sur le chien. Dans le cadre de cette recherche, j’ai assisté les investigateurs de la faculté en participant activement à plusieurs étapes : la réalisation des relevés cliniques et opératoires, la prise de notes détaillées, le brossage des dents des chiens et l’assistance en tant qu’aide opératoire lors des chirurgies parodontales. Mon rôle impliquait également une collaboration avec les vétérinaires participants au projet. J’ai aussi pu rencontrer des biologistes de l’équipe 4 « Got-It » (dirigée par les Professeurs Valérie Planat, Louis Casteilla et Paul Monsarrat), de l’institut Restore à Toulouse, qui préparaient les greffons. J’ai surtout proposé des axes de discussion au travers de ma thèse concernant l’analyse des résultats et leur mise en perspectives avec les autres études publiées sur le sujet.

Quelle pourrait être l’application chez l’humain ?

Pour le moment, il n’existe pas d’application en clinique courante pour l’humain. L’étape suivante consisterait à adapter cette thérapeutique à des essais sur des patients. Bien qu’aucun projet concret de ce type ne soit actuellement en cours à Toulouse, un essai réalisé au Mexique s’est révélé concluant : il utilisait des cellules mésenchymateuses issues de la pulpe dentaire. L’origine est différente mais ces cellules mésenchymateuses sont assez proches de celles provenant de la graisse. Quelques autres essais cliniques avec des cellules mésenchymateuses ont été publiés mais souvent avec de très faibles effectifs inclus et sans contrôles. Ils n’offrent ainsi pas encore un niveau de preuve suffisant concernant la sécurité et l’efficacité de l’ingénierie cellulaire parodontale pour envisager son utilisation en clinique humaine à large échelle. Des essais cliniques contrôlés et randomisés doivent encore être produits pour valider scientifiquement cette thérapeutique chez l’Homme. Les perspectives d’application concerneraient davantage l’utilisation de cellules allogéniques (provenant d’un donneur) plutôt que de cellules autologues (provenant du patient lui-même), afin de faciliter ce type de stratégie thérapeutique à grande échelle. À l’avenir, le tissu adipeux récupéré lors de chirurgies plastiques par exemple pourrait être une ressource précieuse. Les cellules mésenchymateuses qu’il contient pourraient être cultivées et intégrées dans des biomatériaux prêts à l’emploi pour un usage clinique. Cependant, plusieurs étapes restent nécessaires avant le passage à la pratique humaine notamment démontrer l’efficacité de cette méthode chez l’Homme, répondre aux enjeux industriels et financiers, notamment en ce qui concerne la culture, la sélection et la conservation des cellules, évaluer le rapport coût-efficacité du traitement pour garantir son accessibilité et sa viabilité.

Malgré ces défis, la thérapie cellulaire, de plus en plus largement utilisée en médecine régénérative, est une solution innovante et prometteuse pour l’avenir du traitement de la parodontite. Son potentiel ne manquera pas de susciter l’intérêt des praticiens et des industriels dans les années à venir.

Allez-vous poursuivre la recherche sur ces cellules souches ?

Je n’ai pas prévu de poursuivre dans ce domaine. Entre-temps, j’ai réalisé un master en droit de la santé, et je travaille actuellement sur des dossiers contentieux au sein de l’Assurance maladie. Les questions juridiques m’intéressent autant que le domaine de la santé, et je souhaitais trouver un domaine qui allie les deux.

Ce prix apporte une visibilité importante au projet, ce qui est essentiel pour favoriser la transition vers des essais cliniques, puis leur application chez l’Homme. Une présentation est prévue en 2026 au Congrès de l’American Association for Dental, Oral and Craniofacial Research aux États-Unis, offrant une visibilité internationale au projet, en complément des articles scientifiques déjà publiés et éventuellement à venir. J’espère que cela pourra aider les équipes de recherche de la faculté de Toulouse et de l’unité Restore, ou d’autres, à poursuivre ces recherches et contribuera à inciter des industriels et agences publiques à investir dans cette technologie prometteuse.

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