Le "même pas mal" ça fait du mal
Fatigue persistante, « mal de dos » sont les principales manifestations physiques de l’épuisement professionnel. La posture et les gestes répétés du chirurgien-dentiste, souvent penché au-dessus du patient, impactent négativement sa santé. Dans son exercice, l’ergonomie doit être la solution.
Des mots sur les maux
Les mauvaises postures des professionnels de la santé bucco-dentaire, courbés sur leur patient dans des positions peu naturelles, sont susceptibles de provoquer des micro-traumatismes répétés et des troubles physiques graves. Ces professionnels révèlent principalement des douleurs dans le cou, les articulations, le bas du dos, et des tendinites. Les maux s’installent au fil des années et prennent de l’ampleur lorsque le temps de travail s’allonge. Les conséquences de ces troubles physiques et leurs répercutions socioéconomiques lorsqu’elles engendrent des arrêts de travail s’ajoutent aux souffrances mentales.
À ces douleurs s’ajoutent des troubles de la vision et de l’appareil auditif, soumis à des bruits aigus et suraigus (hautes fréquences) dont deux études* démontrent la perte auditive significative des chirurgiens-dentistes en exercice depuis plus de 10 ans. Viennent parfois s’additionner des dérèglements physiologiques dont les conséquences sur la santé globale sont : l’hypertension artérielle et les maladies coronariennes, les maladies cardio-vasculaires, le diabète de type 2. Les défenses immunitaires peuvent aussi diminuer, augmentant le risque d’infection bactérienne et virale. Apparaissent également les affections cutanées et les troubles digestifs en symptômes de l’épuisement professionnel.
Le poids des troubles
musculo-squelettiques (TMS)
Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont des affections péri-articulaires regroupant plusieurs troubles ou pathologies pouvant avoir un impact sur les tissus mous (muscles, tendons et gaines tendineuses, vaisseaux sanguins, nerfs, cartilages) et sur le squelette. Ce sont des pathologies résultant de leur hypersollicitation. Leurs manifestations vont d’une fatigue posturale réversible à une pathologie avec des lésions irréversibles, reconnues en tant que maladies professionnelles.
Les TMS représentaient un peu plus de 87 % des maladies professionnelles en 2014. Selon une étude menée en 2009** à une échelle internationale, la prévalence des douleurs tous sites confondus atteint 64 à 93 % des praticiens. Les régions les plus touchées sont les lombaires (36 à 60 %) et les cervicales (20 à 85 %). Une enquête réalisée en 2014 à l'échelle nationale*** pour la revue Dental Tribune révèle que sur 118 praticiens, 62 % ont des douleurs dont : cervicales 53 % ; épaules 41 % ; lombaires 38 % ; dorsales 31 % ; doigts 26 % ; poignets 23 % ; coudes 9 %.
Lien entre TMS et stress, ses conséquences
Le stress joue un rôle amplificateur sur les troubles musculosquelettiques de manière indirecte.
Dans une thèse datée de 2016, « Troubles Musculo-Squelettiques, maladies professionnelles du chirurgien-dentiste : enquête dans le Nord / Pas-de-Calais et focus sur le concept de Beach »****, son auteur, Cyril Lemaire, relate qu’« un praticien stressé peut négliger sa position de travail, travailler trop rapidement, trop longtemps, trop intensément. De plus, les réactions au stress peuvent limiter la capacité des défenses immunitaires et des systèmes de réparation utiles pour lutter contre les problèmes de TMS. Le temps nécessaire à la récupération fonctionnelle est alors augmenté. Par ailleurs, le stress chronique augmente la fréquence des TMS, il augmente l'effort pour un même travail donné. De plus, il amplifie la perception de la douleur et rend les sujets concernés plus sensibles aux facteurs de risque de TMS ».
Sources :
* Hearing assessment in dental practitioners and other academic professionals from an urban setting, Brita Willershausen, Angelika Callaway, Thomas G Wolf, Vicky Ehlers, Lukas Scholz, Dominik Wolf and Stephan Letzel, Head & Face Medicine 2014, 10:1
** A systematic review of musculoskeletal discorders among dental professionals, MJ Hayes, D Cockrell, Dr Smith, International Journal of Dental Hygiene, 2009.
-Marianne Ousset. Prévention et prise en charge du burnout chez le chirurgien-dentiste. Chirurgie. 2015. CNRS / dumas-01128525
*** Nous souffrons du dos, des cervicales, des épaules ! Mais comment travaillons-nous ? Dr David Blanc. Dental Tribune. 17 février 2015. Accessible sur https://fr.dental-tribune.com/news/nous-souffrons-du-dos-des-cervicales-des-epaules-mais-comment-travaillons-nous/
**** Troubles Musculo-Squelettiques, maladies professionnelles du chirurgien-dentiste : enquête dans le Nord / Pas-de-Calais et focus sur le concept de Beach. Cyril Lemaire.
Thèse pour le diplôme d’Etat de Docteur en chirurgie dentaire, soutenue le 16 juin 2016, Université de Lille 2.