Face à l'antibio-résistance,
ne baissons pas la garde

En 2015, en France, 5 500 décès sont attribués aux infections à bactéries multi-résistantes¹. Ne plus pouvoir soigner les infections même les plus courantes, telle est la perspective désastreuse qui s’annonce si l’antibiorésistance continue de progresser. Plusieurs actions mises en place visent à la limiter.
Publié le 9 mai 2022 Mis à jour le 21 décembre 2023
En 2015, en France, 5 500 décès sont attribués aux infections à bactéries multi-résistantes¹. Ne plus pouvoir soigner les infections même les plus courantes, telle est la perspective désastreuse qui s’annonce si l’antibiorésistance continue de progresser. Plusieurs actions mises en place visent à la limiter.

“One Health” au cœur
des décisions

Depuis 2010, la lutte contre l’antibiorésistance fait l’objet d’un engagement au niveau mondial. Le concept “One Health, une seule santé” est formalisé en 2010 et signé par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) et l’OIE (Organisation Mondiale de la santé animale). Cette approche s’inscrit dans une conception transversale de l’antibiorésistance.  
Il faut agir de manière globale à travers les écosystèmes, la santé humaine et animale. Les mesures de prévention en santé humaine ne doivent pas être dissociées de celles prises en santé animale et des actions prises pour préserver le bon état des écosystèmes. En effet, les bactéries et les gènes de résistance se diffusent et se transmettent potentiellement aussi via les animaux domestiques et sauvages et les milieux naturels.

Une feuille de route interministérielle

En novembre 2017, la France reprend ce concept à travers 40 actions publiées dans la feuille de route interministérielle. Plusieurs plans sont mis en place. En mai 2021, les ministères chargés de la Santé et de l’Écologie publient le plan Santé-Environnement 4 (PNSE4). Ce dernier s’inscrit dans le plan “une seule santé”. Il prévoit d’informer les propriétaires d’animaux, particuliers et professionnels (éleveurs) sur l’utilisation des produits biocides qui jouent un rôle dans l’antibiorésistance environnementale. 

 

Du côté de la santé animale, les plans Ecoantibio ont permis de diminuer l’exposition animale aux antibiotiques. En 2020, la réduction de l’usage des antibiotiques est de 45,4 % par rapport à 2011. La loi LAAF2 (Loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt) vient renforcer la baisse de l’utilisation des antibiotiques, avec une réduction de 25 % en 3 ans des antibiotiques de la famille des fluoroquinolones et des céphalosporines de 3e et 4e génération. En effet, l’Escherichia Coli développe une résistance à ces générations d’antibiotiques. Or cette bactérie se retrouve principalement dans les infections urinaires.

Une surveillance renforcée en santé humaine

Les Cpias Pays de la Loire, Grand-Est et Nouvelle-Aquitaine (Centre d’appui pour la Prévention des infections associées aux soins) jouent un rôle de veille à travers deux missions nationales : PRIMO (Surveillance et prévention de l’antibiorésistance et des infections associées aux soins, en soins de ville et en secteur médico-social) et SPARES (Surveillance et prévention de l’antibiorésistance en établissements de santé). Ces deux missions nationales fournissent les données de la résistance des bactéries aux antibiotiques en soin de ville et en Ehpad grâce aux prélèvements réalisés par les laboratoires de biologie médicale.

Prévenir et mieux prescrire, deux leviers majeurs

Prévenir les infections constitue la première étape de la lutte contre l’antibiorésistance en limitant le recours aux antibiotiques. Tout traitement comporte en effet un risque de résistance bactérienne. En santé humaine, l’hygiène des mains, l’hygiène alimentaire et la vaccination contre certaines maladies infectieuses sont des remparts identifiés. En santé animale, ces règles sont également pertinentes. S’y ajoutent l’hygiène et la sécurité à l’entrée et à la sortie des bâtiments abritant des animaux. 
Dans l’environnement, au-delà de l’hygiène des mains, le retour des antibiotiques périmés/non utilisés en pharmacie pour destruction ainsi que la collecte et le traitement des eaux usées permettent de limiter les contaminations via l’environnement.

Pour préserver l’efficacité des antibiotiques, mieux prescrire est nécessaire, en suivant notamment 4 repères fondamentaux :

- respecter la bonne indication : les antibiotiques traitent les infections bactériennes et non celles causées par un virus ;
- sélectionner la bonne molécule : une bactérie peut résister naturellement ou devenir résistante aux antibiotiques. Les médicaments deviennent alors inefficaces. Une analyse bactériologique peut être utile afin de trouver la molécule pertinente pour la bactérie en cause ;
- choisir la bonne dose : la dose d’antibiotiques doit considérer le type d’infection et la personne soignée. Si la dose est insuffisante, le traitement risque de ne pas guérir l’infection et une résistance bactérienne peut apparaître. Si la dose est trop importante, le risque d’effets indésirables s’accentue ;
- respecter la bonne durée : la durée de prescription doit toujours être suivie. Des traitements courts et efficaces existent aujourd’hui. Ils réduisent le risque de résistance.

Depuis, quelques années, la maîtrise de la résistance des bactéries aux antibiotiques et la promotion de leur bon usage s’améliorent. Les dernières recommandations de l'ANSM du 19 décembre 2023 en sont la démonstration, soulignant que les "mésusages sont d’autant plus inacceptables lorsqu’ils s’inscrivent dans un contexte de fortes tensions de certains antibiotiques. Un respect des recommandations de bon usage des antibiotiques conduisant à une réduction des prescriptions permettrait de limiter des problèmes de pénurie en particulier lors des épidémies hivernales." Si des succès sont constatés en santé animale, la marge d’amélioration reste importante en santé humaine.

La France reste parmi les 5 pays européens les plus consommateurs d’antibiotiques.
En 2020, il a été vendu en France 628 tonnes d’antibiotiques destinés à la santé humaine et 451 tonnes d’antibiotiques destinés à la santé animale.
Les prescriptions initiées par les médecins généralistes sont largement prédominantes (72 % en 2020). Elles ont diminué depuis 2011 à un rythme très proche de celui observé pour l’ensemble des prescriptions. Il en est de même pour les médecins spécialistes. En revanche, les prescriptions des chirurgiens-dentistes (13 % en 2020) ont progressé entre 2011 et 2019, démontrant sans doute une méconnaissance et un respect insuffisant des recommandations de bonnes pratiques en matière de prescriptions des antibiotiques en pratique bucco-dentaire publiées en 2011 puis en 2023 par l’ANSM3.

Un travail de sensibilisation et de formation sur ce thème doit donc être effectué au niveau de la profession.
Un appel d’offres fléché sur la thématique de la prévention de l’antibiorésistance a d’ailleurs été lancé par l’Agence Nationale du Développement Professionnel Continu (ANDPC) qui prévoit son déploiement d’ici 2025. Il inclura les deux volets “Prévention et contrôle des infections” et “Bon usage des antibiotiques”. 


 

Le praticien au cœur d’un écosystème

Mais le phénomène d’antibiorésistance n’est pas seulement corrélé au mauvais usage et à la surconsommation des antibiotiques. Si sa propagation repose sur l’acquisition de gènes de résistance, elle met aussi en cause la transmission via le contact de personne à personne, les eaux usées, les activités comme l’épandage de résidus ou via les animaux sauvages ou domestiques.  

L’utilisation et la surutilisation des antibiotiques seraient donc bien les facteurs initiaux de l’émergence de souches résistantes mais l’environnement, surtout lorsqu’il est pollué, pourrait servir de réservoir et/ou d’amplificateur à leur propagation.
Les activités humaines (production de médicaments, conservateurs alimentaires, traitement insuffisant des systèmes d’assainissement…) ont entraîné au cours du temps le rejet dans l’environnement de molécules antibiotiques en quantités importantes. Et les stations d’épuration classiques ne sont pas conçues pour éliminer les antibiotiques. Si certains sont dégradés, d’autres peuvent être rejetés dans les eaux et rejoindre les sols en cas d’épandage. 

Le ministère de la Transition écologique et solidaire mène depuis plusieurs années des actions sur les résidus de médicaments et sur les micropolluants. Différents experts se mobilisent autour de la connaissance de la contamination des milieux en antibiotiques, la compréhension des mécanismes de dissémination environnementale de l’antibiorésistance et la recherche de solutions pour limiter le phénomène. Les ministères de la Santé et de l’Agriculture œuvrent aussi pour rappeler à tous les acteurs concernés la nécessité de poursuivre les efforts engagés dans la réduction de la consommation des antibiotiques, dans leur mésusage mais aussi dans le respect de l’environnement.
Nous sommes tous responsables du phénomène d’antibiorésistance et de sa propagation. La santé humaine, animale et l’environnement forment un “grand tout”, le vivant, au sein duquel nous avons tous une place, patient comme praticien. Il convient de prendre au sérieux nos responsabilités respectives pour enrayer ce phénomène mondial.
 

1 Étude du centre européen de prévention et contrôle des maladies reprise par The Lancet et par le site du ministère des Solidarités et de la Santé, juin 2021.
2 Loi LAAF n°2014-1170 du 13 octobre 2014.
3 Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

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