Pour savoir où l'on va, il faut savoir d'où l'on vient !
Je suis heureux que ce nouveau numéro de Tooth s’attache à rééclairer l’histoire de notre profession. Ne pensez pas que cela soit par nostalgie, j'ai toujours préféré les promesses du futur à la poussière des souvenirs. Non, si je me réjouis de lire et de redécouvrir les temps forts de notre métier, c'est parce que je suis toujours sidéré par les ressemblances qui relient des époques très éloignées. Cette remontée du temps et ses confrontations nous invitent aussi à porter attention à d’autres pratiques et cultures pour en ressortir toujours enrichis.
Les arracheurs de dents et “leurs enfants”
À l’heure où notre profession innove à grande vitesse, il est utile de savoir d’où l’on vient pour mieux savoir où l’on va. Je crois, en effet, que notre quête de l’innovation peut parfois nous leurrer car si nous ne cessons d’améliorer les pratiques du passé, ne pensons pas pour autant que nous sommes toujours meilleurs qu’avant. Certes, nous pouvons sourire en relisant les baratins des anciens charlatans mais n’avons-nous pas été confrontés il y a quelque temps aux discours des sirènes des bars à sourire ? Certes, nous pouvons nous illusionner en pensant que les “arracheurs de dents” ne sont que des personnages de foires moyenâgeuses mais certains de “leurs enfants” oeuvrent toujours. Dans des médias ou des réseaux sociaux, ils exhibent leurs fausses promesses. Certains promeuvent le nettoyage des dents avec des systèmes farfelus, d’autres fabriquent des poudres de charbon, sans parler des scandales sanitaires du lowcost dentaire. Les arnaques traversent les siècles et se jouent toujours de l’ignorance et de la naïveté.
L’histoire nous le rappelle, notre quotidien aussi.
Il est une autre idée - réjouissante celle-ci - que nous apprenons en regardant les pratiques passées : la soif d’innovation n’est pas née d’hier.
Retrouver les premières prothèses en Égypte ou découvrir que les cabinets dentaires de la Rome Antique ressemblent – la technologie en moins – à l’esprit de nos salles de soins actuelles, n’est-ce pas fascinant ? Il n’y a pas de hasard à constater ces innovations millénaires car notre métier n’a jamais varié : soigner et soulager nos patients. Ayons bien conscience que les douleurs ont toujours existé et elles n’ont fondamentalement pas beaucoup changé. Nos techniques, elles, ont évolué et se sophistiquent mais nous sommes et devons rester des soignants avant d’être des techniciens. La technique est un moyen, pas une finalité.
Qui se souvient que l’une des toutes premières anesthésies a été pratiquée pour un soin dentaire ? Pas grand-monde. Qui reconnaît à Pierre Fauchard, le père de la dentisterie moderne, tous les mérites qui lui échoient ? Trop peu d’entre nous et d’ailleurs, nous ne sommes pas très nombreux à connaître son nom. C’est regrettable et ceci est la conséquence d’une certaine absence d’enseignement de l’histoire de notre métier.
Nous connaissons mal notre histoire, nous l’avons toujours négligée et d’une certaine manière cela a eu pour conséquence de nous octroyer une place bien singulière. En effet, la chirurgie dentaire n’est pas intégrée à l’enseignement général de la médecine. Pourquoi soigner les dents s’enseigne-t-il dans un cursus spécifique alors que les ophtalmologistes, cardiologues ou les ORL suivent le parcours de médecine ? L’histoire a créé cette réalité et il n’est pas question de revenir là-dessus. Toutefois, il subsiste, pour certains, l’idée que nous sommes nés d’une activité qui nous rapproche davantage des forgerons et des maréchaux-ferrants que des médecins.
C’est pourquoi, la défense de notre légitimité médicale en tant que médecine buccodentaire reste une priorité. C’est le rendez-vous permanent que nous a donné notre histoire. Plus nous la connaîtrons, mieux nous l’assumerons. Et plus nous l’assumerons, mieux nous pourrons défendre les spécificités de nos expertises et de nos engagements pour une santé bucco-dentaire rassurante et innovante au service d’une meilleure santé globale.
Alors, (re)découvrez notre histoire et, tous ensemble, écrivons la nôtre.