Maxime Bedez, lauréat du Forum des jeunes chercheurs du Congrès 2024
Publié le 16 janvier 2025.
Lauréat du Prix de la Recherche au Forum des jeunes chercheurs lors du Congrès de l’ADF 2024, le Dr Maxime Bedez, chirurgien-dentiste hospitalier à Lille, explore le lien entre adiposité et qualité osseuse. Une découverte prometteuse pour la prévention et le traitement de l’ostéoporose, avec des applications potentielles en implantologie. Rencontre.
Qu’est ce qui a motivé le choix de votre sujet ?
Lors de mon stage de master 2 au laboratoire MABLab de mon école dentaire, j’ai travaillé sur un sujet de niche : les mécanismes moléculaires reliant l’adiposité de la moelle osseuse à la qualité osseuse. Peu de laboratoires au monde explorent ce domaine avec des techniques avancées, rendant la recherche prometteuse et innovante.
La qualité osseuse, définie par des paramètres comme la masse osseuse, l’architecture et le contenu minéral, est altérée par des maladies telles que l’ostéoporose. Ces altérations augmentent le risque de fractures de fragilité, particulièrement chez les femmes, entraînant mobilité réduite, hospitalisations prolongées, incapacités et diminution de l’espérance de vie. Ce sujet, crucial pour les patients concernés, revêt une importance clinique et sociale, ce qui a renforcé ma motivation à l’explorer.
Quelle méthodologie avez-vous adoptée pour mener à bien votre étude ?
L’objectif de cette étude était d’examiner l’influence de l’adiposité de la moelle osseuse sur la qualité osseuse. J’ai analysé, à l’échelle microscopique, les tibias de rates atteintes d’ostéoporose induite par ovariectomie, en utilisant deux techniques : l’imagerie électronique quantitative (qBEI) et la microspectrométrie Raman. Le laser est très sensible à la lumière ambiante, j’étais donc dans une petite pièce dans le noir, à faire passer des échantillons au laser et à obtenir mes courbes de résultat.
La technique qBEI m’a permis de quantifier la concentration en calcium et de caractériser la distribution de la densité minérale osseuse (BMDD). Quant à la microspectrométrie Raman, elle a été utilisée pour analyser la composition moléculaire des tissus osseux, offrant ainsi des données à décrypter sur les modifications biochimiques associées à l’ostéoporose.
En plus des aspects techniques, j’ai joué un rôle d’intermédiaire entre différents experts du domaine, ce qui a été particulièrement enrichissant. Cela m’a permis d’apprendre de l’expertise de chacun et de développer une forme d’expertise transversale unique, intégrant des connaissances et perspectives que les spécialistes eux-mêmes n’ont pas toujours l’occasion de croiser.
Comment établissez-vous un lien entre votre formation de chirurgien-dentiste et cette étude ?
Cette étude a pour objectif de mieux comprendre les mécanismes reliant l’adiposité de la moelle osseuse à la qualité osseuse, dans le but de développer des approches innovantes pour prévenir et traiter l’ostéoporose. En tant que chirurgien-dentiste, je me concentre désormais sur l’étude de l’os de la mâchoire, non pas pour identifier une ostéoporose spécifique à cet os – qui n’existe pas réellement – mais pour explorer son rôle potentiel dans le dépistage de l’ostéoporose.
L’os de la mâchoire présente un paradoxe : malgré l’absence de fractures spontanées ou de fragilisations cliniques, il cicatrise efficacement après des interventions comme des extractions dentaires ou la pose d’implants. Contrairement à d’autres os qui se fracturent, se fissurent ou causent des douleurs, la mâchoire semble résister à l’impact de l’ostéoporose. Cette singularité soulève une question : serait-elle protégée par la sécrétion d’une protéine particulière ou par d’autres mécanismes biologiques uniques ? Ce lien entre la recherche fondamentale et la pratique clinique alimente ma réflexion et la poursuite de mon travail de recherche.
En quoi cette découverte peut-elle intéresser un chirurgien-dentiste ?
Ce sujet intéresse d’abord le rhumatologue, qui cherche à mieux comprendre les mécanismes de l’ostéoporose, la cicatrisation osseuse et les effets des traitements associés. Cependant, il a aussi une importance majeure pour le chirurgien-dentiste, car les traitements contre l’ostéoporose, nécessitent une vigilance particulière. Lorsque ces traitements figurent dans la liste des médicaments d’un patient, le chirurgien-dentiste doit redoubler de prudence, notamment lors d’interventions chirurgicales, car ils peuvent affecter la cicatrisation osseuse et entraîner des complications. Nous espérons qu’un jour les avancées en rhumatologie permettront de développer des traitements sans effets secondaires, car cela simplifierait considérablement la prise en charge des patients en cabinet dentaire.
Les jeunes chercheurs qui présentent leurs travaux au Congrès de l’ADF sont sélectionnés au cours d’un congrès, le « Forum des jeunes chercheurs » qui est organisé en France tous les deux ans. A cette occasion, l'ensemble des jeunes chercheurs en odontologie français présentent leurs travaux les plus récents, soit oralement, soit par le biais de posters. Leur sélection est réalisée par un jury constitué de chercheurs seniors - issus des Facultés et laboratoires de recherche associés - selon plusieurs critères : la clarté des objectifs de l'étude, la synthèse des résultats, la réponse aux questions de l'auditoire, les apports potentiels futurs pour la pratique de la chirurgie-dentaire… Vient ensuite la présentation au Congrès de l’ADF où le jury évalue les travaux d’après une grille d'évaluation commune avant de se réunir pour choisir le lauréat immédiatement à l’issue de la session.